Elle a deux prénoms, un patronyme d’étoile, un charme fou et un talent bien singulier. Depuis plus de quinze ans, CARMEN MARIA VEGA mène une carrière aussi brillante que l’astre qui illumine, ça tombe bien, la constellation de la Lyre. Chanteuse, comédienne, écrivaine, réalisatrice, elle ne cesse de multiplier expériences et projets, endossant rôles et répertoires, avec la même énergie mais jamais au même endroit. Ainsi, on l’a vue prêter ses gambettes à Mistinguett au Casino de Paris, interpréter du David Bowie sous la houlette de Mark Plati pour une tournée hommage internationale, jouer à être Lady Capulet dans le Roméo et Juliette de Gérard Presgurvic à Taïwan et en Chine, ou participer aux concerts australiens du groupe Paris Combo. Sans oublier trois albums solo, dont le très beau et très autobiographique Santa Maria en 2017.
Rien d’étonnant, donc, à la retrouver ici en interprète éclairée des chansons de Boris Vian. Comme Carmen, l’auteur de L’Écume des jours avait plusieurs cordes à son art, à défaut de plusieurs pistons à sa trompette. Un retour, plutôt qu’une récidive. Dès 2009, elle avait participé à une compilation « tribute » à Vian (paradoxe, elle y interprétait « Bourré de complexes »…) avant d’enregistrer un mini album de reprises, quatre ans plus tard, sous le titre déjà évocateur de Fais-moi mal Boris ! Ce sont quelques-unes de ces chansons que l’on retrouve dans ce nouvel opus, mais réorchestrées et réenregistrées, agrémentées de nouveautés.
À côté de classiques inévitables comme « Strip Rock », « La Complainte du progrès », « Je bois », « Fais-moi mal, Johnny », ou « J’suis snobe » (à l’orthographe féminisée), on y trouve ou redécouvre de plus inhabituelles et mélancoliques ballades qui risquent de surprendre tous ceux qui ne connaîtraient de l’œuvre de Vian que son humour sarcastique. Ainsi, « Barcelone », émouvant souvenir d’un amour ibérique, « Quand j’aurai du vent dans mon crâne » cruelle évocation de la vieillesse mise en musique post mortem par Serge Gainsbourg en témoignage de son lien indéfectible avec celui qui l’encouragea, ou « S’il pleuvait des larmes », romance universelle composée par Gérard Jouannest, elle aussi après la disparition de l’auteur. Jusqu’à la « Complainte de Mackie », extrait du célèbre Opéra de Quat’sous que Boris Vian lui-même traduisit en français, en partie afin de rendre hommage à Kurt Weill et Bertolt Brecht. De tout cet inventif, couplets antimilitaristes (« Le Déserteur », « Les Joyeux Bouchers »), stances féministes ironiques (« J’coûte cher », « Ne vous mariez pas les flles ») ou satires binaires (« Strip rock », « Alhambra rock »), CARMEN MARIA VEGA s’empare avec une maestria sensible et sensuelle, digne de la lignée d’interprètes féminines prestigieuses, de Magali Noël à Juliette Gréco, de Catherine Sauvage à Catherine Ringer, en passant par Maurane.
Sous la houlette du musicien et arrangeur Antoine Rault (Lescop, Forever Pavot), ces chansons aux musiques signées Alain Goraguer, Jimmy Walter, Gérard Jouannest, Serge Gainsbourg ou Vian lui-même, reprennent une fraîcheur nouvelle tout en conservant leur intemporalité de classiques inaltérables, avec la complicité bienveillante de Nicole Bertolt, mandataire de l’œuvre de l’écrivain. À l’image de la photo de pochette de l’album, sur laquelle Carmen pose dans l’appartement parisien de l’artiste, avec sa fameuse harpeguitare. « Je suis une interprète, je cherche à livrer ma vérité », dit celle qui a aussi dans sa besace des projets aussi divers que l’adaptation cinématographique de son livre (Le Chant du bouc, paru chez Flammarion) ou la préparation d’une revue érotique : « j’adore planter des graines et les voir pousser, c’est comme ça que j’imagine mon métier. » Boris par Carmen, voilà qui fait du bien !
Philippe Barbot
1. Strip Rock
2. La Complainte du progrès
3. Alhambra Rock
4. Je bois
5. J’coûte cher
6. Barcelone
7. J’suis snobe
8. Fais-moi mal, Johnny
9. Ne vous mariez pas les filles
10. Complainte de Mackie
11. Le Déserteur
12. Les Joyeux Bouchers
13. Quand j’aurai du vent dans mon crâne
14. S’il pleuvait des larmes
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